Philauloin, prochain voyage: septembre!

13 novembre 2005

Le chungo espagnol


Je vous avais promi de vous entretenir sur mon nouveau lieu de résidence. Drôle d’endroit. À première vue, ça donne l’impression d’un bordel du 19e siècle. Quand je tourne le coin d’un mur, je m’attends à trouver un Toulouse-Lautrec ben saôul à l’absynthe en train de faire des dessins des scènes du bordel. En passant, Drouin, t’aurais pas des contacts pour trouver ça ici? C’est une immense maison en plein coeur du Quito Colonial (le nom de la résidence c’est Residencial Centro Colonial!). C’est un peu comme vivre sur la rue des Remparts à Québec ou sur la rue St-Jacques à Montréal. Environ 15 chambres avec des vues incroyables, comme une vue de l’église qui illustre ce post. Je vois ça en me brossant les dents le matin. L’endroit est calme, propre et souvent vide. Aussi, c’est très barato, cheap. Je partage une chambre au dernier étage avec une autre étudiante plutôt sympatique qui étudie à l’Université Dalhousie de Halifax. Elle se concentre plus sur l’aspect disons entreprenarial du développement mais on s’entend bien quand même. Le seul détail un peu bizarre: en fait notre première impression ne nous a pas trompée, nous vivons dans un bordel. Selon ce qu’on sait la prostitution est légale en Équateur et comme il n’y a pas de pimp ou de police ou de violence ben on se rend pas vraiment compte des activités nocturnes de nos voisines. Les proprios sont des femmes et le commerce semble bien aller, sans déranger. C’est donc un chungo. Chungo c’est le relativement nouveau mot en quechua pour dire bordel. Dites “jungle” en anglais 5 fois de suite avec un bon accent américain et quesque ça vous donne? Chungo. En fait, quand les Américains de Texaco et les Hollandais/Anglais de Shell sont arrivés pour exploiter le pétrole ils n’allaient pas dans l’Amazonie ou l’Oriente mais dans la jungle. Et exploitation de pétrole est rapidement devenu synonyme de dépossession, d’humiliation et de prostitution pour les populations locales de l’Amazonie équatorienne. Ainsi, les populations quechua ont cru que le mot anglais jungle signifiait bordel tellement la présence des petrolières et de leur usage du mot jungle allaient de pair avec la traite des rouges. Dans le guide Lonely Planet, il y a un court extrait sur un village de l’Amazonie qui dit que les habitants sont fiers d’avoir 20 prostituées et aucun médecin… Comme certains de vous le savent peut-être je dois chercher un organisme où travailler de janvier à mai. Je vais travailler avec des radios communautaires, probablement avec ALER (Association Latino-américaine de radios populaires), avec CORAPE (l’équivalent équatorien) avec avec une radio qui s’appelle Radio-Sucumbios. Cette radio se trouve dans la ville de Lago Agrio, dans l’Amazonie, relativement près de la frontière colombienne. En fait la ville s’appelle officiellement Nueva Loja mais les travailleurs de Texaco l’ont rebaptisée Sour Lake, un nom plutôt évocateur qui fait référence à un village du Texas. Le nom est resté. Étant le seul francophone de notre fier groupe de canadiens j’étais le seul qui pouvait travailler dans cette région. En effet, il y a un petit préjugés contre les américains/anglais après que Texaco ait rejeté des millions de litres de pétrole, dans l’eau, le sol et l’air de la région. “Millions, il exagère!” En fait, le déversement est estimé à 16.8 millions de gallons, soit 1 fois et demi le contenu de l’Exxon Valdez (Kimerling 1991, 1993, 1996). Même si cela s’est passé il y a plus de 20 ans, Texaco refuse de nettoyer en prétextant que c’est la responsabilité d’un sous-traitant étrangement baptisé TexPet et possédé à 100% par Texaco. Disons que ça change l’image de Texaco que j’ai eu pendant mon enfance, soit des casses-têtes avec les shtroumphs! Donc, être francophone est un avantage certain dans cette région. On m’a dit de me faire passer pour un français ou un belge. Même le Canada a quelques problèmes de relations publiques puisqu’il fait la promotion du plan Colombie qui fournit de l’équipement militaire pour combattre la guérilla et brûler les plantations de coca des 2 côtés de la frontière (hé oui, la Pratt & Whithney de Longueuil ne fait pas que des hélicoptères pour secourir la veuve et l’orphelin mais aussi des engins militaires destinés à tuer, brûler et détruire). À ce propos, les commentaires du chef de police de Rio de Janeiro présentés sur le DVD du film choc brézilien Cité de Dieu sont éclairants. Je vous ai déjà parlé de la violence urbaine de l’Équateur, le chef de police dit: “Si les Américains se donnent le droit de venir en Colombie pour détruire les plantations de coca qui fournissent du travail et un revenue digne à des milliers de paysans nous voulons avoir le droit d’aller aux États-Unis, en Italie et en Suisse pour détruire les usines de Colt, Smith, Beretta et autres qui font des millions de dollars de profit grâce à la mort de nos enfants et qui contribuent à la violence urbaine et à nos problèmes sociaux.” Ça donne à réfléchir.


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