Philauloin, prochain voyage: septembre!

28 janvier 2006

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Je L’ai rencontré. Finalement. Après L’avoir tant entendu à la télévision je L’ai vu. Lui. Celui qui, sur ce continent, n’a plus besoin de présentation. Je me dois de bien vous décrire l’ambiance, les lieux et les acteurs car l’événement est mémorable. Ma rencontre avec Lui a eu lieu dans un stade.
D’abord, les hommes et les femmes sont divisés. Les “Winston” vont d’un côté et les “Julia” de l’autre et attendent paisiblement d’être fouillés avant d’entrer dans le temple. L’armée est omniprésente mais ça admettons que ça ne surprend personne. Les Québécois naïfs qui pensaient Le voir en possession d’un briquet ou d’un canif ont dû faire le douloureux choix de se faire confisquer ces armes.

Dans le stade, certaines délégations sont hystériques et chauffent la salle 7h avant la conférence. La délégation cubaine est entre autre très mouvementée avec ses “Hé, ho, Chavez no se va”, et autres slogans “anti-impérialistes”.
Le stade se remplit et l’atmosphère atteint son paroxysme lorsqu’un groupe de musique chante “Comandante” et “El pueblo unido”. Ça y est, me dis-je, rien de plus ne peut être fait. Mais non, j’allais oublier, il faut chanter. Dans ce qui était un mélange d’hymne national dans une partie de hockey et de catharsis collective de style preacher américain, nous chantons. Que chantons-nous? Nous chantons la tradition, nous chantons l’union, nous chantons l’histoire. Nous chantons “L’Internationale”.
Et Il entre. La foule est en délire. Il est 20h05. Je suis arrivé à 16h. Assis à sa droite et à sa gauche: Samir Amin, pour les intellos, Cindy Sheehan pour les braillards, Aleida Guevarra (la fille du Che) pour les nostalgiques, Ignacio Ramonet pour les intellos péteux de broue, une militante autochtone d’Équateur, Camille Chalmers pour les syndicalistes, etc. Il ne manquait que Maradona. Mais, de tous ces gens, qui sera le seul à prendre la parole avant Lui. Un prêtre. Et par n’importe lequel. Un prêtre brésilien, théologien de la libération qui nous invite à faire une minute de silence et à s’aimer.
La tension est à son comble, la légitimité de la tradition communiste, des mouvements sociaux et de Dieu y est. Il peut parler. Non, il commencera par chanter. A cappela. De quoi parlera t’il ensuite? De tout et de rien. Il citera surtout. Il commence par citer Bolivar, puis Francisco de Miranda, Marx, Rosa Luxembourg, Eduardo Galeano, Mariateguí, Jésus, Tupak Katari, Che Guevarra, Hobbes, Chomsky, Fidel, et Fidel, puis Fidel. Il parle de Lula, d’Evo Morales, que le Vénézuela a les plus grandes réserves pétrolières du monde, que le Venezuela construira un gazoduc immense de 5000 km qui ira jusqu’en Argentine. Il parle aussi du réchauffement climatique causé par l’impérialisme.
Moi, je parle de la doublepensée orwellienne. Doublepensée : capacité à accepter simultanément deux points de vue opposés et ainsi mettre en veilleuse toute pensée critique. Et après 7 ans au pouvoir la mise en scène est rodée. Le comble : une femme enceinte qui se promène avec un homme qui tient un poupon au centre du stade et qui est projetée sur les 4 écrans géants avec la bédaine d’à peu près 15 mois de grossesse à l’air. Il ne manque qu’un bœuf et un âne et la scène serait complète.
Les écrans géants diffusent aussi des femmes avec les larmes aux yeux, un portrait de Jésus qui donne un coup de fouet et Lui, avec sa chemise rouge pétante entouré de personnalités beiges et brunes. Le discours se termine à 22h sur un rafraîchissant « Socialismo o muerte ». Je sors pantois.
Ah oui, j’oubliais. Il y a aussi un Goldstein. C’est Mr. Danger comme Il le dit. Il est constamment nommé, c’est Le responsable. Mr. Danger a attaqué l’Irak et Mr. Danger attaquera le Venezuela. Dans un des moments les plus « dystopiens », Il demande à la foule qui est le plus grand terroriste. Et dans un chœur aussi puissant que troublant tous hurle : « BUSH ! ». Je m’esclaffe.
Qu’il y ait une lutte à l’analphabétisme, des milliers de médecins cubains ou de la nourriture subventionnée est une chose. Mais que personne ne me dise qu’Il n’est pas populiste. En passant, aucun des invités n’a dit un mot de la soirée sauf le prêtre.


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